Les pâtes font partie des plats préférés des Belges. Ils en consomment en moyenne 5 kg par an. Si les rayons regorgent de marques (y compris de distributeurs), Soubry a toujours su y occuper une place de choix. Le tout, en restant 100 % familiale. Rencontre avec Michel Soubry, troisième de la génération et actuel CEO de l’entreprise.
VOTRE ENTREPRISE A ÉTÉ CRÉÉE APRÈS LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE. L’IDÉE D’INVESTIR LE MARCHÉ DES PÂTES ÉTAIT-ELLE UNE ÉVIDENCE OU UN COUP DE POKER ?
“C’est mon grand-père qui a créé l’entreprise. Avant la guerre, il produisait de la chichorée. Mais l’usine a été ravagée par le conflit. Il a donc décidé de se lancer dans la fabrication de pâtes. Au départ, il fabriquait du vermicelle mais il y avait une cinquantaine d’entreprises en Belgique qui en produisaient également. Il a donc décidé de reconvertir l’usine en fabrique de pâtes. Innover a toujours été dans l’ADN de la famille, que ce soit au niveau de l’outil ou de la gamme de produits que l’on propose.”
QU’EST-CE QUI A PERMIS À SOUBRY DE DEVENIR LEADER DU MARCHÉ ?
“Plusieurs événements ont été importants dans notre croissance. L’Expo de 1935 d’abord, qui a offert une belle vitrine à l’entreprise pour attaquer le marché au-delà de la Flandre occidentale où nous étions implantés. Ensuite, l’Expo 58 et l’avènement des supermarchés. Nous avons senti l’opportunité de collaborer avec la grande distribution en suivant les Delhaize, GB et autres enseignes. Cela permet en effet de toucher le public le plus large possible. Cela nous a permis de devenir leader du marché dans les années 70 et de conserver ce leadership jusqu’à aujourd’hui.”
LES MARQUES DE DISTRIBUTEUR SONT DE PLUS EN PLUS PRÉSENTES. VOTRE ALLIÉ D’HIER N’EST-IL PAS DEVENU VOTRE PRINCIPAL CONCURRENT ?
“Nous travaillons toujours main dans la main. Aujourd’hui, le marché est divisé en deux. La moitié est représentée par les marques de distributeur, l’autre par les marques nationales. Et nous représentons environ 40 % de ce segment. Il y a donc de la place pour les uns et les autres. Nous voyons toujours la grande distribution comme un partenaire. Nous faisons tous partie de la chaîne et il reste capital de travailler avec elle.”
QU’EST-CE QUI A PERMIS À SOUBRY DE DEVENIR LEADER DU MARCHÉ ?
“Une grande partie de notre succès est dû à notre capacité d’innovation. Certaines marques fabriquent encore des pâtes comme il y a 10 ou 20 ans. Pour notre part, nous avons toujours eu un rôle de précurseur. En 1921, nous avons introduit les vermicelles et les macaronis. Nous avons aussi été la première entreprise à proposer des pâtes complètes, à l’avoine et à l’épeautre. Aujourd’hui encore, nous innovons avec le lancement des pâtes ‘encore plus al dente’.”
PRÉCISÉMENT, QUELLE EST LA SPÉCIFICITÉ DE CETTE NOUVELLE VARIÉTÉ ?
“Tout est parti du constat que 75 % des Belges préfèrent manger des pâtes encore fermes sous la dent. Nous avons donc cherché un blé à haute teneur en protéines de la meilleure qualité. Nos acheteurs ont donc sondé le marché afin de s’assurer aussi qu’une production suffisante pouvait nous permettre de lancer cette variété. Il a aussi fallu que l’on renouvelle notre processus sur des lignes de production de haute technologie. Nous avons aussi changé l’un de nos deux moulins à blé dur pour optimiser la moulerie et obtenir une matière première riche en protéines.”
VOTRE ENTREPRISE EST AUSSI MARQUÉE PAR LES COLLECTIONS DE POINTS SOUBRY…
“C’est une invention que l’on doit à ma grand-mère. Elle était fan d’art et, en 1948, il était interdit de faire des promotions autres que ce type de programme de fidélité. Ce fut un succès et cela a grandement contribué à la notoriété de la marque. De nombreux Belges ont collecté les points afin d’obtenir des reproductions de peintures. Nous avons gardé ce système jusqu’en 2010.”
DANS CE MARCHÉ TRÈS CONCURRENTIEL, EST-IL ENCORE POSSIBLE DE GAGNER EN CROISSANCE ET EN PARTS DE MARCHÉ ?
“L’an dernier, nous avons enregistré une croissance de 10 %, ce qui nous a permis de vendre 1,4 million de paquets de pâtes de plus qu’en 2017. Notre chiffre d’affaires a atteint les 130 millions. Et comme les consommateurs mangent de plus en plus de pâtes chaque année, il y a encore du potentiel pour se développer.”
LE BELGE EST-IL À CE POINT FAN DE PÂTES ?
“Si la consommation augmente d’année en année, c’est parce que les pâtes sont consommées différemment. Auparavant, on ne mangeait que du spaghetti bolognaise ou des macaronis au gratin. Désormais, les pâtes accompagnent des viandes ou des poissons et se déclinent aussi en salade en été. C’est pourquoi l’ensemble du marché propose constamment de nouvelles recettes, source d’inspiration pour accommoder les pâtes.”
LE MARCHÉ BELGE EST-IL SPÉCIFIQUE ?
“On remarque une disparité entre les Flamands et les Wallons. On mange beaucoup plus de pâtes en Wallonie. On remarque aussi que la façon de préparer les pâtes est particulière en Belgique. En Italie, on cuisine sa sauce, on fait cuire les pâtes puis on les déverse dans une poêle, on rajoute la sauce et on mélange en réchauffant. Chez nous, c’est totalement différent. Si on prépare un spaghetti bolognaise, on va d’un côté cuisiner la sauce et de l’autre les pâtes. Puis, on met les casseroles à table et chacun se sert en mettant la sauce sur les pâtes et pas l’inverse…”
V. S.