La teneur en morphine serait beaucoup trop élevée, ce qui n’est pas sans risque pour le consommateur.
Plusieurs personnes ont été contrôlées positives aux drogues alors qu’elles n’en consomment pas. C’est en effet à leur insu que ces consommateurs ont été “drogués”, rendant les tests aux opiacés positifs. Tous présentent les mêmes symptômes (présence de morphine et codéine dans leurs urines) alors qu’ils n’ont pas consommé la moindre drogue. C’est en se penchant sur leur alimentation qu’on a finalement découvert qu’ils avaient tous mangé des pains contenant des graines de pavot.
“Les résultats de l’étude que nous avons menée au sein de notre laboratoire ont montré que la consommation d’un seul des sandwichs analysés équivaut à 4 mg (4 000 µg) de morphine”, explique à nos confrères du Parisien Jean-Claude Alvarez, chef du service de pharmacologie-toxicologie du CHU Raymond-Poincaré, à Garches (Hauts-de-Seine), à l’origine de cette découverte.
Un taux énorme lorsqu’on sait que l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) fixe le niveau de sécurité à 10 µg de morphine et de codéine par kilo de poids corporel. Autrement dit, une personne de 60 kg ne devrait pas en ingérer plus de 600 µg sur une période de 24 heures…
Une enquête a été ouverte chez nos voisins français afin de déterminer les causes d’une telle présence d’opiacés dans les pains au pavot. Certes, le pavot est bien connu pour l’opium qu’il renferme dans sa capsule sous forme de sève laiteuse (latex), mais les graines de la plante ne devraient en théorie pas contenir d’alcaloïdes (comme la morphine et la codéine) aux effets psychotropes utilisés en médecin pour le traitement de la douleur.
Les graines en sont dépourvues mais peuvent avoir été contaminées de différentes manières par le latex, lors de la production ou de la récolte du pavot. Pour éviter de tels risques, une recommandation de la Commission européenne du 10 septembre 2014 établit les bonnes pratiques à l’adresse des producteurs et transformateurs de la petite graine bleue. “Les niveaux d’alcaloïdes opioïdes présents sur ces graines sont dus à de minuscules particules de poussière provenant de la paille (paroi de la capsule). C’est pourquoi le nettoyage ou la transformation après récolte sont essentiels”, précise le texte. Lavage ou trempage à l’eau, séchage, traitement thermique font partie des techniques préconisées. Le non-respect de cette procédure pourrait être à l’origine de la contamination des pains.
Des risques de somnolence et de confusion
La consommation de graines de pavot impose de la prudence. Ce n’est pas la première fois que des faits d’intoxication à la morphine et à la codéine sont rapportés par des consommateurs ayant mangé du pain ou d’autres aliments agrémentés de la petite graine violette.
Certains fabricants ont d’ailleurs pris leurs précautions en apposant un avertissement clair à destination des consommateurs sur leurs emballages. Ainsi, on peut y lire qu’il est recommandé de n’utiliser les grains qu’en faible quantité, pour aromatiser ou décorer un pain, ou encore qu’il faut torréfier les graines avant utilisation !
En France, les autorités sanitaires recommandent d’éviter “la consommation de produits de boulangerie contenant des quantités significatives de graines de pavot”. Et en particulier si vous devez conduire…
De même, il est déconseillé aux femmes enceintes (ou qui allaitent), aux personnes présentant des risques de rétention urinaire et aux personnes à risque respiratoire, de consommer ces types de pain et des graines de pavot.
Les teneurs décelées au cours des analyses sont en effet inquiétantes et peuvent “entraîner rapidement et pendant plusieurs heures des symptômes de type somnolence, confusion, fatigue, rougeur du visage, démangeaisons, bouche sèche, nausées, vomissements, constipation et rétention d’urine”.
“Pas de risque en Belgique, mais…”
Jean-Sabastien Walhin, directeur de la communication de l’Afsca se montre rassurant.
La Belgique est-elle concernée au même titre que la France par ces cas de graines de pavot potentiellement dangereuses ?
“Nous avons été mis au courant de la problématique française, mais nous n’avons pas reçu de notification de la part de nos voisins. Nos contrôles n’ont pas révélé non plus de cas similaires.”
Le Belge ne risque donc rien ?
“A priori, consommer les produits qui sont vendus en Belgique est sans danger. Mais il faut faire attention aux achats transfrontaliers ou via Internet. Là, le consommateur doit prendre garde car ce sont les notifications du pays où est vendu la marchandise qui doivent être observées.”
En cas de doute, comment le consommateur peut-il être rassuré ?
“Les achats transfrontaliers peuvent poser problème car on n’est pas au courant des notifications de chaque pays dans le monde. Nous venons d’ailleurs d’avertir les consommateurs sur la présence d’alcaloïdes dans des compléments alimentaires vendus aux Pays-Bas et que certains Belges avaient acheté. De même, il y a quelque temps, ce sont des bébés qui sont tombés malades en consommant du lait en poudre vendu en France. En cas de doute, les consommateurs ont donc tout intérêt à s’adresser à notre point de contact et nous pourrons alors effectuer les recherches pour eux.”
V. S.