Coup de tonnerre dans la gastronomie wallonne : le célèbre restaurant L’Eveil des Sens, à Montigny-le-Tilleul, ferme après 19 ans d’existence.
Laury et Nadia Zioui avaient ouvert leur restaurant, lui aux cuisines, elle dans la cave à vin, et ont rencontré un succès intarissable au fil des ans : chez les clients, déjà et bien sûr, mais aussi chez les critiques. Le réputé Gault&Millau leur a accordé un 17/20 et une forte recommandation, alors que Michelin leur a attribué 1 étoile, qu’ils ont su garder et se sont vus confirmer une fois de plus pour l’édition 2020 du célèbre guide.
Pourtant, ce dimanche 8 mars, L’Eveil des Sens fera son dernier service. Philippe Limbourg, connu du milieu et ami de longue date des deux restaurateurs montagnards, prend la parole en leur nom: « Depuis deux ans, ils ont vécu une série de choses compliquées. Des problèmes de santé, des problèmes familiaux, et puis la situation économique qui n’est pas rose, notamment face à une concurrence féroce: ils ont beau être bien classés, quand un autre restaurant ouvre, même s’il ferme peu après, ça leur fait de la concurrence. Et les grandes chaînes qui bradent leurs prix de façon scandaleuse font que les clients n’ont ensuite plus envie de payer 5x le prix pour un plat, même si c’est le prix juste… Ils préfèrent donc arrêter maintenant, avant que ça ne devienne une catastrophe. Ils sont fatigués, en fait. C’est dommage, c’est une des belles maisons de Wallonie et même de Belgique, et l’accueil était toujours extraordinaire. »
On le sait, le milieu de la restauration fait face à deux grandes difficultés : la fiscalité, d’un côté, et la pression émotionnelle de l’autre. Les charges pèsent rapidement quand il faut sortir plus de deux fois le salaire d’un employé pour payer les cotisations, la taxation sur l’alcool et la disparition progressive du « noir » ou des « dessous de table » dans le métier avec l’apparition de la boîte noire. « Ici, ce n’est pas une conséquence de cette boîte noire », rassure Philippe Limbourg. « Ca y a probablement contribué, bien sûr, mais il n’y a pas que ça. Je ne suis pas de ceux qui font un procès à cette boite noire, qui a permis de changer aussi des choses en bien. » Et puis il y a la pression émotionnelle : les horaires ininterrompus, la pression de devoir défendre sa notoriété, les frais difficiles à amortir surtout quand on a un certain niveau, par exemple sur la décoration, les fleurs sur les tables, l’exigence de qualité chez les employés, etc.
Le couple Zioui est propriétaire de la maison qui accueille L’Eveil des Sens. « Ils n’ont pas encore de projet pour ce bâtiment, ils ne savent pas s’ils vont vendre ou pas, mais ils ne vont pas réouvrir, ça c’est sûr. » Et pour la suite? « Ce n’est pas un adieu à la cuisine, ils ont d’ailleurs été contactés de toutes parts pour aller faire de la consultance, ou aller en cuisine ou en salle dans tel et tel restaurants. Rien n’a été décidé: ils veulent souffler, d’abord, et puis ils verront. »
D’ici dimanche, il reste les menus signature en 5 ou 7 services, disponibles les midis ou les soirs. « Laury met d’ailleurs un point d’honneur à dire au revoir à sa manière, en remettant sur la carte des plats historiques ou qu’il a particulièrement apprécié, notamment la tajine de ris de veau, par exemple. L’idée, c’est de marquer le coup. » Réservations via l-eveildessens.be